Folie urbaine

Au fil du temps, j’ai eu la chance de pouvoir me construire une vie « en décalé ». Je pars au boulot un peu après tout le monde, je me déplace souvent et évite soigneusement d’être dehors aux heures de pointes. Je vis Paris avec la légèreté d’un Wheeler (presque) sans contraintes. La ville est pour moi un terrain de jeu bien souvent paisible à défaut d’être désert. Bien entendu, il ne passe pas un jour sans que je croise 1 ou 2 cyclistes inconscients à même d’ébranler ma confiance dans l’humanité. Mais, de manière générale, mes escapades urbaines n’ont rien de dangereuses.


J’aime Paris. J’adore tout ce qui roule sans bruit et sans lâcher de fumées nauséabondes. Je respecte au plus au point les piétons dans leur infini variété.
La capitale me semble assez spacieuse pour que tous cohabitent dans la joie et l’harmonie.

Évidement, l’accroissement exponentiel des trotteurs inexpérimentés et imprudents sur les trottoirs a perturbé mon cœur de bisounours. Je voyais venir avec inquiétudes les beaux jours et leurs inévitables hordes de collégiens sur-motorisés. Sans même parler des mères de famille, heureuses de quitter la pollution des transports sous-terrains pour s’offrir les joies de la bronzette sur deux roues. Et que dire de ces ados tout plein à craquer de testostérones estivales, trop pauvres pour risquer des roues arrières ou des sauts avec du matériel acheté à la sueur de leur front, qui grâce au free floating ont enfin les moyens de tenter les figures de free-style les plus hasardeuses au milieu de la rue...
Je concède que le fan d’électromobilité que je suis regardait l’avenir proche avec une certaine angoisse... et puis la Ville a pris les choses en main : interdiction pour les trottinettes de rouler sur les trottoirs sous peine d’amendes ! Cela ressemblait à un bon plan. Trott et vélo sur les pistes cyclables et la chaussée, les trottoirs redeviennent safe. Mieux, ces utilisateurs de 2 roues sont suffisamment nombreux pour contraindre à la prudence les automobilistes, camions, bus, scooters, et autres pollueurs old-school. Ce qui, mécaniquement, aménera à ralentir, à consommer moins, à préférer les transports, et j’en passe.
Un bon plan !


Et puis, il ya  quelques jours je me suis retrouvé coincé bien au chaud dans la voiture de ma femme en plein milieu des bouchons de 19h du boulevard Poissonnière. N’étant pas au volant, j’avais tout le loisir d’observer les fameux usagers de la route désireux de rentrer chez eux après une dure journée de labeur. Ils étaient tous là : les pollueurs old-school, les furieux de la pédale et les aventuriers de l’électrique. Tous là, à se battre dents et ongles pour le moindre centimètre de progression. Tous furieux, tous sûr de leur bon droit, tous certains de survivre à cette guerre. Et pourtant, certains si fragiles, si peu carapaçonnés face aux tonnes de métal qu’ils espèrent frôler  et doubler.

Je vivais l’évidence. Dans le contexte actuel, c’est une erreur meurtrière que d’obliger nos trotteurs à se mêler aux automobilistes. C’est folie de croire que quelques kilos de plastiques peuvent cohabiter avec des tonnes de métal en obéissant à des règles pensées pour l’automobile.

La ville a pris une très mauvaise décision qui se paiera certainement en vies humaines.
Et il est évident qu’elle devra prendre à terme des décisions :

  • infiniment plus coûteuses en infrastructures, pour permettre aux véhicules légers de prendre leur place,
  • infiniment plus impopulaire, pour réduire de manière drastique les gros véhicules (j'entends par là tout ce qui ressemble à des voitures - thermiques comme électriques)
  • très peu évoquées actuellement comme une réduction drastique de la vitesse en ville pour tous. 

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