De la non-violence électrique

Je ne fais pas parti des précurseurs qui se sont mis à la gyroroue avant même que des boutiques en proposent à Paris. Mais j'ai eu la chance malgré tout de débuter sur ma Ninebot à une époque où nous étions si peu nombreux que les passants nous regardaient ahuris et émerveillés.

Les temps ont bien changés. En quelques années, les NVEI sont devenus tendances et accessibles. Les trottinettes électriques ont littéralement envahi nos rues, la communauté de wheelers a bien grandi, les e-skatteurs se font plus visibles, et il n'est pas rare de voir des vélos à "assistance électrique" griller des scooters en ligne droite.

Avant nous n'étions qu'une bande de drôles de "fadas". Maintenant nous sommes perçus comme de dangereux malades roulant là où on ne veut pas de nous. Nous avons même le droit à des articles de presse ou des reportages TV condescandants comme à la belle époque du jeu vidéo faiseur de psychopathes.

Et depuis des années, je lis sur nos forums ces histoires d'agressions plus ou moins violentes, plus ou moins bêtes, dont certains d'entre nous ont eu à souffrir. Alors que depuis des années je n'ai plus aucun soucis avec qui que ce soit durant mes rides.

J'ai certainement eu la chance de ne pas croiser trop de relous agressifs. Mais j'ose croire que cette tranquillité est en parti dû à ma manière de vivre les autres.

Il y a quelques années je me suis retrouvé à marcher à Amsterdam dans les quartiers d'affaires à l'heure de la sortie des bureaux. C'était en hiver, il faisait nuit et froid. J'étais perdu bien sûr. Et les vélos déboulaient de partout. Mon cerveau n'était pas habitué à les repérer au sons, ou à les percevoir comme des dangers. Pourtant j'étais sur leurs territoires de courses, et aucuns de ces travailleurs hollandais survitaminés ne souhaitait ralentir pour éviter le lourdaud hébété qui trainait sur leurs trottoirs... J'étais en insécurité maximum. Non seulement les autres bougeaient trop vite pour moi, mais pire que tout, je ne les entendais pas arriver. Les vélos apparaissaient soudainement dans mon champs de vision comme par magie... C'était parfaitement stressant...

En débutant la wheel à Paris j'ai très vite compris que je générais le même "stress de surprise" auprès des autres usagers de la ville. Les piétons ne m'entendait pas. Et les voitures (cycles, scoot, bus, camion) étaient incapables d'anticiper ma vitesse de déplacement (sans même parler de mes superbes virages serrés ^^)... J'avais beau rouler en bon père de famille, sans excès aucun, les particularités de la wheel suffisaient à générer chez les autres de la surprise, du stress et de l'agressivité...


Suite à cette prise de conscience j'ai tout fait pour adopter une glisse non stressante pour les autres. J'ai cherché à me fondre dans la masse, à devenir invisible ou tout au moins transparent pour les autres. J'en ai établi quelques règles perso que j'essaie de lister ici :

- Je ne roule jamais parmi les voitures, je me considère comme un piéton. (J'essaierai d'expliquer pourquoi ce choix est le seul raisonnable dans un prochain article.)

- Partant du principe que les autres ne m'entendent jamais, j'essaie (tant que faire ce peut) de laisser 2 mètres entre moi et les piétons que je double ou croise... et je ralenti toujours... l'idée étant d'entrer dans leur champs de vision à une distance et une allure qui ne peut pas générer de stress... Autrement dit, leur cerveau ne doit pas croire un seul instant que l'on puisse se percuter.

- Si je ne peux pas avoir cet écart de sécurité, je passe au pas... idéalement, à peine plus vite que le piéton (ce qui demande un peu de patience pour doubler des personnes âgées).

- Je ne triche (presque) jamais avec le code de la route. Je traverse au vert et à la vitesse d'un piéton (les vélos sont trop fous en ce moment pour faire autrement).

- Je ne roule ni de manière rectiligne, ni avec des changement de direction rapides... Je fais de belles courbes faciles à anticiper... J'aide les autres à comprendre comment je me déplace.

- Plus difficile, j'essaie de rider avec élégance, de ne pendre aucun chocs, d'obliger mes genoux à tout amortir comme le ferait un épais manteau de poudreuse.

- Je souris. Je croise les regards des gens (surtout des personnes âgées souvent plus craintives).

- J'accepte de perdre du temps... si je monte sur ma V8, ce n'est pas pour arriver vite ou faire des records de vitesse... c'est pour le plaisir de la glisse, du moment magique où le cerveau joue avec chaque aspérité pour enfin s'échapper du quotidien...

Toutes ces "bonne pratiques" peuvent sembler contraignantes, mais au final ma glisse en devient plus apaisée, plus fluide. Quand les gens me remarquent c'est généralement pour dire que "ça à l'air super sympa ce truc". C'est assez incroyable, mais le fait de faire attention aux autres offre un retour positif immédiat. Même à Paris :)

Bien évidement, je ne suis pas toujours 100% cool. Oui, j'ai aussi mes mauvais jours et des envies de râler sur tout le monde (je suis parisien après tout)... Mais j'essaie jour après jours de glisser sans violence : parce que cela m'apaise et parce que mes concitoyens subissent assez de stress quotidiens pour ne pas leur imposer mes envies de vitesse.


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